Ces dernières années, la plateforme vidéo Youtube a vu émerger une nouvelle forme de mobilisation en ligne. Sous forme de vidéo, de plus en plus de militants enregistrent leurs récits d’expériences afin de les publier et de les rendre accessibles au plus grand nombre. Ainsi, en donnant l’impression d’une conversation entre proches, la vidéo militante peut permettre de transmettre du savoir et d’éduquer, notamment en contextualisant des sujets d’actualités ; et peut même, dans certains cas, devenir un outil de lutte. De nombreuses féministes se sont donc emparées de ce nouveau média pour questionner les problématiques sociétales qui les concernent.
Naya Ali est l’une d’entre elles. Ancienne rédactrice en chef de Noir et Fier – plateforme d’échange et de réflexion sur le quotidien de la communauté noire – la jeune journaliste a d’abord commencé à tourner de courtes vidéos de critiques de séries. Elle met ensuite ses compétences médiatiques au service de sujets ayant une dimension plus politique : l’appropriation culturelle et l’afroféminisme.
En se plaçant en héritière des combats d’Angela Davis, Naya Ali tente de lutter contre le manque d’intégration des questions raciales dans les débats féministes. L’afroféminisme est donc un féminisme intersectionnel, qui met en avant le fait de subir plusieurs formes d’oppression à la fois. Il ne s’agit ainsi pas de rejeter le féminisme classique, mais de proposer de nouveaux modèles auprès desquels les femmes noires, très peu présentes dans les médias, pourront enfin s’identifier.
Dans une vidéo publiée sur Youtube il y a trois ans, Naya Ali, très pédagogue, tente en une dizaine de minutes, d’expliquer les concepts d’afroféminisme et d’intersectionnalité (c’est d’ailleurs le titre de la vidéo). Pour commencer, la jeune femme, filmée en plan rapproché poitrine, utilise un fond vert afin d’apparaître au milieu d’un paysage montagneux. Elle s’adresse à une voix off qui semble artificielle, et un dialogue s’instaure entre les deux, ce qui permet de faire usage de l’humour pour introduire le sujet de la vidéo, sans le définir directement. Soudain, un son d’alerte résonne et le logo de l’émission, Kesak’oh, ainsi que le titre de la vidéo apparaissent dans le cadre. On retrouve ensuite la journaliste dans le même paysage montagneux, mais la voix off n’est plus la même. Il s’agit désormais de celle d’un homme, dont le rôle reste inchangé : échanger des répliques empreintes d’humour avec Naya Ali, afin de définir les différents thèmes de la vidéo. Ces thèmes apparaissent d’ailleurs sur la gauche du cadre sous forme de texte, avant d’être illustrés par des extraits de vidéos, titrés et datés, issus de médias diverses.

Survient enfin un changement de décor : la jeune femme nous fait toujours face, mais dans un nouveau lieu qui pourrait être son domicile. Le travail de narration est visible : la voix off pose des questions ou relance le débat en feignant la naïveté, afin que Naya Li puisse décrire les différents aspects de l’afroféminisme et mener une réflexion sur la condition des femmes noires. Ses propos sont toujours illustrés à l’aide d’extraits de dessins animés, d’émissions, de séries ou encore de films de différentes époques. Le son des extraits de vidéos est coupé afin que le spectateur puisse entendre clairement les dires de la journaliste (à part lorsqu’il s’agit du débat politique qui oppose Ségolène Royale à Nicolas Sarkozy).
Finalement, la vidéo s’achève sur un générique animé qui propose aux internautes de s’abonner à la chaîne Youtube, puis le nom des personnes ayant participé à la conception de la vidéo se succèdent, rythmé par un fond sonore.
L’afroféminisme est hérité du Black feminism nord américain. Il est né à peu près à la même période, dans les années 70, mais cette appellation est médiatisée seulement depuis peu. Nul doute que les réseaux sociaux ont permis aux femmes issues de ce mouvement d’affirmer leur identité et de faire entendre leur voix, afin de lutter contre l’invisibilisation et l’image stéréotypée parfois véhiculée par les médias de la femme noire.